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Le henné, cette poudre verte issue de la plante Lawsonia inermis, est bien plus qu’un produit cosmétique. Dans la culture marocaine, il représente la beauté, la baraka et la protection. Présent dans les mariages, les naissances, les fêtes religieuses et même certains rituels funéraires, il occupe une place centrale dans la mémoire collective. Aujourd’hui encore, malgré l’essor des cosmétiques modernes, le henné continue de séduire et de se réinventer.
Dans la culture marocaine, le henné accompagne la femme à travers toutes les étapes de sa vie — de la jeune fille à l’épouse, puis à la mère. Mais il est aussi présent au moment ultime, lorsque la femme s’apprête à quitter ce monde. Dans certaines régions, on applique le henné sur les mains des femmes agonisantes, non pour la beauté, mais pour les aider à partir en paix.
Ce geste profondément spirituel traduit une conviction ancienne : le henné protège, purifie et bénit. En teignant les mains de la mourante, la famille symbolise la transition vers une autre existence, comme si la femme franchissait le seuil de la mort parée de la même grâce que lors de son mariage. Ce rituel, à la fois pudique et sacré, rappelle que la fin n’est pas une rupture, mais une continuité — un retour à la lumière et à la terre, d’où la vie est née.
Même dans les moments de deuil, le henné apparaît. Trois jours après un enterrement, les femmes appliquent du henné pour signifier la fin officielle du deuil, sauf la veuve qui attend la fin de son ‘idda avant de s’y autoriser. Ainsi, le henné devient un langage universel du passage : il marque les débuts, les joies, les séparations et, enfin, l’ultime voyage.
Impossible d’imaginer un mariage marocain sans henné. Ce rituel millénaire accompagne la mariée et parfois même le marié lors de la nuit du henné. Dans une ambiance festive, la future épouse, vêtue de caftan traditionnel vert (couleur du henné), se fait orner les mains et les pieds de motifs raffinés. Ce moment est à la fois spirituel et social : les dessins protègent du mauvais œil, symbolisent la prospérité et marquent le passage vers une nouvelle vie.
Le henné est aussi présent lors de la naissance d’un enfant. On en applique à la mère et au nouveau-né comme signe de protection et de chance. Dans les fêtes religieuses telles que l’Aïd al-Fitr, les jeunes filles se parent de henné avant les célébrations, perpétuant ainsi une tradition joyeuse et esthétique.
Avant la grande nuit du henné, la mariée accomplit un rituel essentiel de purification et de préparation : la visite au hammam. Ce moment, souvent partagé avec les femmes de sa famille et ses amies les plus proches, marque symboliquement la fin de sa vie de jeune fille et le début de sa nouvelle existence d’épouse. L’atmosphère y est intime, joyeuse et empreinte d’émotion. On y chante, on plaisante, et surtout, on célèbre la beauté féminine dans sa forme la plus authentique.
Dans ce cadre enveloppé de vapeur parfumée, le corps de la mariée est choyé et sublimé. Les femmes utilisent des soins traditionnels hérités de leurs mères et grands-mères : savon noir, gant Kessal, argile, et surtout la “Tabrima”, ce mélange ancestral à base de henné et de plantes aromatiques. Préparée avec soin à partir de poudre de roses, de sidr (feuilles de jujubier) et d’herbes purifiantes, la Tabrima est appliquée sur tout le corps pour un gommage en profondeur.
Ce soin n’est pas seulement esthétique : il a une dimension rituelle. En se purifiant, la mariée se libère symboliquement des énergies anciennes pour accueillir la bénédiction du mariage. Sa peau devient douce, lumineuse, prête à recevoir le henné de la nuit suivante. Ce rituel du hammam renforce aussi les liens féminins : les femmes rient, se soutiennent, se transmettent conseils et prières, dans une ambiance où la chaleur du bain se mêle à celle du cœur.
Ainsi, le passage au hammam et l’utilisation de la Tabrima forment une étape essentielle de la préparation de la mariée marocaine, mêlant beauté, tradition et spiritualité. C’est un moment de renaissance avant la célébration de l’union, où la femme retrouve la pureté du corps et de l’âme avant de franchir le seuil d’une nouvelle vie.
Parmi les instants les plus mémorables d’un mariage marocain figure la soirée du henné. Généralement réservée aux femmes, elle se déroule dans une atmosphère intime mais festive. La mariée, souvent vêtue de vert, couleur de fertilité, est installée au centre de l’assemblée. La nakasha dessine avec minutie des arabesques et des symboles amazighs sur ses mains et ses pieds, pendant que résonnent les chants, les youyous et parfois la musique live.

Les invitées participent aussi au rituel : chacune applique une petite touche de henné sur ses doigts, comme pour partager la bénédiction et transmettre la baraka. Ce geste n’est pas anodin : selon la tradition, les jeunes filles en âge de se marier qui participent à l’application du henné de la mariée reçoivent elles aussi une part de sa chance et de sa fécondité. On dit que cela leur portera bonheur et leur ouvrira les portes du mariage.
Ainsi, la soirée du henné n’est pas seulement un moment de beauté et de fête, mais aussi un rite collectif de transmission et d’espoir, où la joie de la mariée devient une bénédiction partagée par toutes les femmes présentes.
Avec la modernité, le henné a connu de nouvelles formes d’expression. Les motifs traditionnels côtoient désormais des dessins géométriques, minimalistes ou inspirés de la pop culture. Les salons de beauté proposent des applications rapides et durables, parfois renforcées par des produits chimiques. De jeunes artistes organisent même des workshops pour transmettre ce savoir-faire à une nouvelle génération avide de créativité.
Autrefois, les motifs du henné marocain étaient avant tout symboliques et identitaires. Les dessins, souvent inspirés des signes amazighs, exprimaient la féminité, la protection et la fertilité. Chaque région possédait ses propres codes visuels : triangles, losanges, spirales ou formes solaires servaient de talismans transmis de génération en génération.
Aujourd’hui, à l’image du Maroc moderne, cet art ancestral s’ouvre à de nouvelles influences. Sous l’effet de la mondialisation et des réseaux sociaux, les nakashat — ces artistes du henné — ont élargi leur répertoire en s’inspirant des styles venus d’ailleurs :
Le henné marocain est ainsi devenu un pont entre les cultures, un art en perpétuelle évolution. S’il reste ancré dans les valeurs traditionnelles de beauté et de baraka, il s’adapte désormais aux goûts d’un public jeune et cosmopolite. Cette hybridation témoigne d’une chose : le henné marocain, tout en préservant son âme, continue d’écrire son histoire à travers le monde.
Pour profiter pleinement des bienfaits du henné, il est préférable d’utiliser une poudre pure et naturelle. Avant application, un petit test sur la peau permet de vérifier l’absence d’allergie. Le secret d’une couleur intense réside dans le temps de pose, idéalement entre deux et six heures. Enfin, une hydratation régulière de la peau ou des cheveux aide à prolonger la tenue de la teinte.
Le henné au Maroc n’est pas un simple accessoire de beauté : c’est un langage visuel, une mémoire collective et un rituel de passage. Qu’il soit appliqué lors d’un mariage, d’une naissance ou d’une fête religieuse, il incarne la richesse des traditions marocaines. Aujourd’hui, entre héritage et modernité, il reste un symbole puissant de la culture vivante du Royaume.
Quel est le prix d’un tatouage au henné au Maroc ?
De 100 à 300 dirhams pour un motif simple, et jusqu’à 500 dirhams ou plus pour un dessin élaboré.
Combien de temps dure le henné sur la peau ?
En moyenne entre une et trois semaines selon le type de peau et les soins apportés.
Peut-on l’utiliser sur les cheveux ?
Oui, il colore naturellement, fortifie et apporte brillance aux cheveux.
Comment le conserver ?
Dans un récipient hermétique, à l’abri de la lumière et de l’humidité.
Quels sont les motifs les plus populaires ?
Fleurs, feuilles, motifs amazighs, formes géométriques et l’œil protecteur.
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Docteure en langues et communication et titulaire d'un master en tourisme et communication. J’ai eu l’occasion de développer l’expertise dans le domaine de la communication touristique. J’ai mené des recherches en ingénierie touristique et en développement du tourisme culturel.