RICHESSE ET PATRIMOINE MAROCAINS

Naima Samih : biographie de la diva marocaine et histoire de sa chanson “Yaka Jarhi”

10/3/2025
LA DIVA NAIMA SAMIH

De Derb Sultan à l’Olympia, chronique d’une légende marocaine.

Née à Casablanca, dans le quartier populaire de Derb Sultan, Naima Samih (1953–2025) est l’une des plus grandes voix de la chanson marocaine moderne. Révélée par la radio et la télévision publiques au début des années 1970, elle s’impose grâce à des titres devenus cultes comme “Jrit Ou Jarit” et surtout “Yaka Jarhi”, chanson que des générations de Marocains continuent d’écouter, de chanter et de se transmettre.

Enfance à Derb Sultan : une voix qui naît dans la rue

Dans les années 1960, une fillette grandit à Derb Sultan, quartier populaire de Casablanca. Issue d’un milieu modeste, elle quitte l’école très tôt pour aider sa famille et travaille comme couturière puis dans la coiffure/esthétique. Pas de conservatoire ni de formation académique : c’est la rue, les fêtes familiales, les radios locales et les mariages qui lui servent de première scène.

C’est là que Naima Samih forge son style : une voix ample, chaleureuse, capable de porter à la fois la pudeur et la douleur, le chagrin et la consolation. Très vite, son entourage comprend qu’elle a “quelque chose de plus”.

La radio marocaine : Mawahib, le tremplin de Naima Samih

Au début des années 1970, Naima Samih tente sa chance à la RTM (Radio Télévision Marocaine). Elle participe à des émissions de découverte de talents, dont “Mawahib”, qui révélera plusieurs grandes voix marocaines.

Sur ces plateaux, sans conservatoire ni solfège, elle s’impose par :

  • un timbre immédiatement reconnaissable,
  • une interprétation expressive mais pudique,
  • le soin apporté au choix des textes et à la prononciation.

C’est là que naît vraiment Naima Samih, la chanteuse professionnelle, qui va bientôt entrer dans les foyers marocains.

“Jrit Ou Jarit” et “Yaka Jarhi” : quand une chanson devient un réflexe du cœur

La carrière de Naima Samih bascule avec “Jrit Ou Jarit”, chanson qui se propage dans tout le pays : on l’entend à la radio, dans les taxis, aux mariages, dans les cafés. Dans la mémoire populaire, ce titre est parfois associé ou confondu avec “Yaka Jarhi”, au point que certaines sources présentent “Jrit Ou Jarit” comme étant aussi connue sous le nom “Yaka Jarhi”.

“Yaka Jarhi” : la blessure qui parle pour tout le monde

“Yaka Jarhi” est l’un de ses titres les plus célèbres et les plus recherchés aujourd’hui sur les plateformes de streaming.

  • Les paroles racontent une blessure intime, un cœur qui parle à sa propre souffrance.
  • La mélodie, sobre et profonde, laisse toute la place à la voix de Naima Samih.
  • L’interprétation joue sur la retenue plutôt que sur la prouesse, ce qui rend la douleur encore plus réelle.

La chanson est signée par le grand parolier Ali Haddani, connu pour plusieurs textes emblématiques de la chanson marocaine, dont “Yak a jarhi” précisément.

“Yaka Jarhi” n’est pas seulement un succès : c’est devenu un réflexe émotionnel. On la lance lorsqu’un amour se termine, lorsqu’un manque se fait sentir, lorsqu’on a besoin que quelqu’un chante à notre place ce qu’on ne sait pas dire.

Une Marocaine à l’Olympia : 1977, un moment d’histoire

En 1977, Naima Samih monte sur la scène de l’Olympia à Paris, un lieu mythique de la chanson mondiale. Elle fait partie des rares chanteuses arabes à s’y produire et devient, selon certaines sources, la troisième et plus jeune chanteuse arabe à y chanter après Oum Kalthoum et Fairouz.

Ce concert consacre sa notoriété au-delà des frontières du Maroc et grave sa voix dans la mémoire de la diaspora marocaine et maghrébine.

Naima Samih : le choix de rester au Maroc

Alors que d’autres artistes de sa génération s’installent en Égypte ou ailleurs pour faire carrière, Naima Samih choisit de rester au Maroc.

  • Elle demeure proche de son public populaire,
  • Elle est régulièrement invitée à des événements officiels et appréciée par les plus hautes autorités du pays,
  • Elle continue de chanter dans des contextes variés : plateaux télé, mariages, festivals, hommages…

Cette décision renforce son image de chanteuse du peuple, présente dans les salons, les taxis, les souks et les fêtes de famille. Elle devient une voix familière, presque un membre de la famille.

Une équipe créative exigeante : paroliers et compositeurs

Derrière la simplicité apparente de ses chansons, on trouve une équipe de paroliers et compositeurs majeurs de la chanson marocaine, parmi lesquels :

  • Abdelkader Rachdi,
  • Ali Haddani,
  • Abdelwahab Doukkali,
  • Ahmed Alaoui,
  • Ahmed Taïeb El Alj,
  • et d’autres musiciens et arrangeurs de haut niveau.

Avec eux, Naima Samih construit un répertoire mêlant :

  • chaâbi raffiné,
  • classique marocain,
  • incursions vers d’autres univers (comme le registre khaleeji avec “Wagif Aala Babikom”).

Chez elle, la virtuosité n’est jamais là pour impressionner, mais pour servir l’émotion.

“La Vie est une mélodie” : quand la chanteuse passe à l’écran

Au sommet de sa popularité, Naima Samih apparaît également au cinéma, notamment dans le film “Al-Donia Nagham / La Vie est une mélodie” (1978). Cette incursion confirme que son histoire ne s’écoute pas seulement : elle se regarde aussi, comme un morceau de mémoire collective en mouvement.

Naima Samih après 2000 : hommages, rareté et respect

À partir des années 2000, la santé de Naima Samih se fragilise et ses apparitions publiques deviennent plus rares. Des hommages lui sont rendus sur différentes scènes marocaines, notamment lors d’événements culturels et festivals, où chaque sortie est vécue comme un moment précieux par le public.

Quand elle monte encore sur scène, quelques notes suffisent pour que la salle se lève : on sait qu’on est en présence d’une légende vivante.

Décès et héritage de Naima Samih (1953–2025)

Naima Samih s’éteint le 8 mars 2025, à l’âge de 71 ou 72 ans selon les sources, après un long parcours artistique salué par tout le pays. Plusieurs médias rappellent alors son enfance à Casablanca, son origine modeste, son passage par Mawahib, son attachement au Maroc et son rôle dans la modernisation de la chanson marocaine.

Ses obsèques à Benslimane rassemblent proches, artistes et anonymes. Le Maroc ne perd pas seulement une chanteuse : il perd une présence familière, une voix qui accompagnait la vie quotidienne depuis plusieurs décennies.

Discographie essentielle de Naima Samih

Parmi les chansons incontournables de Naima Samih, on peut citer :

  • “Jrit Ou Jarit” – Le tremplin vers la légende, une sorte de rituel collectif que tout le pays connaît.
  • “Yaka Jarhi” – La blessure intime chantée avec grâce, devenue un refrain national.
  • “Ala Ghafla” – L’art des retrouvailles et des surprises de la vie.
  • “Ach Dani” – La question qu’on pose à la vie et à soi-même : “Qu’est-ce qui m’a poussé à faire ce choix ?”
  • “El Khatem” – L’anneau qui symbolise les promesses, comme sa musique qui se transmet de main en main.
  • “Wagif Aala Babikom” – Une incursion réussie dans le répertoire khaleeji, très bien accueillie par le public.

Ces titres, souvent recherchés sous les requêtes « Naima Samih Yaka Jarhi », « Jrit Ou Jarit » ou « chansons Naima Samih », continuent de vivre sur les plateformes, les radios et dans les souvenirs.

Ce que Naima Samih nous laisse

On dit qu’un artiste meurt le jour où l’on cesse de le chanter. Dans le cas de Naima Samih, tout laisse penser que ce jour n’est pas pour demain.

Elle vit encore :

  • dans les salons où l’on prépare le thé à la menthe,
  • dans les taxis où la radio diffuse “Yaka Jarhi” en fin de soirée,
  • dans les mariages où ses chansons accompagnent les entrées, les danses, les promesses,
  • dans les playlists des nouvelles générations qui la découvrent en ligne.

Écouter Naima Samih, c’est entendre une voix qui ne raconte pas seulement sa vie, mais aussi la nôtre : les blessures, les départs, les retours, la tendresse et la force des liens.

FAQ sur Naima Samih et “Yaka Jarhi”

Qui est Naima Samih ?
Naima Samih est une chanteuse marocaine emblématique, née à Casablanca (Derb Sultan) dans les années 1950. Révélée par les émissions de la RTM au début des années 1970, elle est considérée comme l’une des plus grandes voix de la chanson marocaine moderne.

Quelle est l’histoire de la chanson “Yaka Jarhi” ?
“Yaka Jarhi” est l’une des chansons les plus célèbres de Naima Samih. Écrite par le parolier Ali Haddani, elle raconte la souffrance d’un cœur blessé, mais avec une grande pudeur. Elle est devenue, au fil du temps, un classique que l’on écoute pour se sentir compris.

Quelles sont les chansons les plus connues de Naima Samih ?
Parmi ses titres les plus connus, on retrouve “Jrit Ou Jarit”, “Yaka Jarhi”, “Ala Ghafla”, “Ach Dani”, “El Khatem” ou encore “Wagif Aala Babikom”.

Naima Samih a-t-elle chanté à l’international ?
Oui. Un moment symbolique de sa carrière est son passage à l’Olympia à Paris en 1977, événement marquant pour une chanteuse marocaine de cette époque.

Quand est décédée Naima Samih ?
Naima Samih est décédée le 8 mars 2025, après plusieurs décennies de carrière au service de la chanson marocaine.

Auteur
Photo de profil du docteur Zahra Boughroudi

Zahra Boughroudi

Docteure en langues et communication et titulaire d'un master en tourisme et communication. J’ai eu l’occasion de développer l’expertise dans le domaine de la communication touristique. J’ai mené des recherches en ingénierie touristique et en développement du tourisme culturel.