RICHESSE ET PATRIMOINE MAROCAINS

Sker : le Tinder traditionnel des villages amazighs

3/12/2021
Filles amazighes au festival des amandes à Tafraoute au sud du Maroc

Bien avant Tinder, les jeunes Amazighs avaient leur propre « application de rencontre »

Aujourd’hui, on swipe à gauche ou à droite sur un écran pour trouver l’âme sœur. Mais autrefois, dans les villages amazighs du Maroc, les jeunes avaient leur propre rituel pour se rencontrer : le Sker.
Un système simple, social et codifié qui se déroulait non pas derrière un smartphone, mais près des sources d’eau et des puits.

L’eau, lieu de rencontre et de traditions

Dans la vie rurale, aller chercher de l’eau n’était pas seulement une corvée quotidienne. Pour les jeunes filles, c’était aussi l’occasion de croiser les garçons de la tribu ou des villages voisins.
Protégées par leur voile blanc, le « Adal », elles échangeaient quelques mots, des regards, parfois des rires. Le tout dans les limites strictes du respect et de la pudeur.

Les femmes mariées, reconnaissables à leur tenue, étaient exclues de ce rituel et protégées par les règles sociales.
Ainsi, le Sker n’était pas un simple jeu de séduction codifié : c’était une institution reconnue par la tribu, un espace social ouvert et légitime.

Un Tinder ancestral, avec ses propres règles

Si Tinder repose sur la séduction rapide et virtuelle, le Sker avait des règles claires :

  • Les filles cachaient leur visage par pudeur.
  • Les discussions restaient respectueuses, limitées et surveillées par la coutume.
  • L’objectif final n’était pas une aventure passagère, mais le mariage.

En somme, le Sker était une sorte de plateforme sociale traditionnelle, où chacun savait pourquoi il était là : pour rencontrer, connaître, et bâtir un avenir.

Tradition, mixité et débats modernes

À l’heure où les débats sur la mixité, l’égalité et la rencontre entre hommes et femmes animent la société marocaine, le Sker nous interroge.
Était-ce une pratique archaïque ou, au contraire, une forme respectueuse et équilibrée de socialisation ?

On pourrait même se demander : les anciens n’avaient-ils pas trouvé une manière plus humaine de rencontrer l’autre, bien avant l’ère des écrans ?

Un héritage à méditer

Aujourd’hui, le Sker a presque disparu, emporté par la modernisation et l’exode rural. Mais il reste dans la mémoire collective comme une preuve que nos traditions savaient inventer leurs propres espaces de liberté et de rencontre.

À l’heure où les applis de rencontre peinent à créer du lien durable, peut-être que le Sker, ce « Tinder traditionnel », a encore des leçons à nous offrir.

Auteur
Photo de profil du docteur Zahra Boughroudi

Zahra Boughroudi

Docteure en langues et communication et titulaire d'un master en tourisme et communication. J’ai eu l’occasion de développer l’expertise dans le domaine de la communication touristique. J’ai mené des recherches en ingénierie touristique et en développement du tourisme culturel.